« Des Miroirs aux Princes aux princes dans le miroir »
De l’éducation religieuse des monarques à la laïcisation du pouvoir en Europe
du Moyen-âge à nos jours
27-28 septembre 2018 – Université de Cergy-Pontoise (salle des thèses)
Les « Miroirs aux princes » (Specula Principum) qui se développent en Europe au IXe siècle sont des traités destinés aux monarques ou futurs monarques. Ils contiennent des principes moraux et décrivent les vertus nécessaires au bon gouvernement selon Dieu. Parmi les plus connus, ceux de Jonas d’Orléans (Le métier de roi, 831), Les enseignements de saint Louis à son fils (v. 1267-1270), Le chemin de longue étude de Christine de Pizan (1403), jalonnent le Moyen Âge, idéalisant un Prince parfait.
Au moment de la Renaissance en Europe occidentale, un basculement de la morale religieuse à la morale politique s’est traduit par une laïcisation du pouvoir. Le prince (1513) de Machiavel vante la raison d’Etat et la conservation du pouvoir au mépris – s’il le faut – des préceptes moraux et religieux. Celui d’Erasme, dans L’éducation du prince ou l’art de gouverner (1516), est, à l’inverse, un conseil à Charles Quint de gouverner dans l’intérêt de tous. La question des qualités requises par le bon roi s’est effacée au profit des règles d’organisation, voire de limitations, du pouvoir.
Les périodes suivantes – des Lumières en passant par les Révolutions – n’ont fait que confirmer ces changements. En transformant les monarchies traditionnelles par des régimes démocratiques, la partie vertueuse du métier de roi a été occultée au profit des urnes et de la réglementation institutionnelle dans le rapport gouvernant / gouvernés. Pourtant, les monarchies constitutionnelles maintenues en Europe occidentale se fondent toujours sur des principes moraux mis en scène (Bagehot, 1867), des vertus religieuses, voire, pour certaines encore, sur le sacre, ce qui renvoie à la question de la sacralisation / désacralisation du prince dans un régime séculier et du rapport au religieux dans le bon gouvernement.
Le genre littéraire des Miroirs aux Princes couvre une variété diversifiée de textes (Jonsson, 2006) destinés à l’éducation des princes en vue de leur gouvernement. La longue histoire des monarchies européennes et la place politique qu’elles occupent toujours, invitent à se pencher sur cette éducation des monarques qui est l’objet de ce colloque pluridisciplinaire (ouvert aux historiens, aux historiens du droit, aux juristes, aux civilisationnistes et aux littéraires). Il a pour objet de considérer les Miroirs aux Princes en Europe à partir de leur développement sous les Carolingiens jusqu’à nos jours afin de réfléchir tant au contenu des Miroirs, leurs évolutions dans le temps et au gré des courants idéologiques, que leur impact sur l’exercice du pouvoir politique par les princes. Ces œuvres, variées, sont-elles une image idéalisée du monarque vers lequel celui-ci doit tendre ; un traité politique, rationnel, de bon gouvernement ; ou encore un reflet – presque narcissique – du prince, sorte de panégyrique ?
Se posent alors des questions sur la place de la morale, de la raison, du religieux et du politique dans ces œuvres, sur la laïcisation des Miroirs et avec elle sur la laïcisation du pouvoir. Cette laïcisation suppose-t-elle la disparition ou le recul des vertus religieuses et de la morale des princes ?
Une autre problématique est celle de l’éducation des futurs monarques : dans quelle mesure ces derniers se revendiquent-ils – où se libèrent-ils - des Miroirs de leur jeunesse ? Cette éducation engendre-t-elle la déférence due aux princes vertueux et/ou oblige-t-elle les princes à mener une politique vertueuse ? Les monarques vertueux peuvent-t-ils aussi devenir le miroir vers lequel des gouvernants tendent ou dans lesquels ils se mirent ?
Ce colloque se propose d’aborder ces divers axes à l’occasion de trois demi-journées d’études prévues par tranches chronologiques et thématiques :
La première thématique s’intéressera au Moyen Âge pour examiner les divers contenus des Miroirs, la place qu’y tiennent la morale tirée de l’histoire, la morale religieuse et/ou la morale politique. Il s’agira aussi de confronter le miroir à la réalité en examinant les actions des monarques par le biais de la législation, par exemple.
La seconde thématique vise à identifier les impacts de la Renaissance, de l’Humanisme et des Lumières sur les Miroirs aux princes. Comment ces périodes ont-elles modifié l’éducation des monarques et leur compréhension du « métier de roi » ? Est-ce que le pouvoir se laïcise sous l’influence de l’évolution des Miroirs ? Quelle part reste-t-il à la morale et à la religion ?
La troisième thématique concerne les Révolutions et la mise en place des régimes démocratiques. Ces changements n’aboutissent-ils pas à la perte complète des vertus morales, voire religieuses, des monarques contemporains ? Ou au contraire à une nouvelle revendication d’une éthique en politique ? Les Miroirs aux Princes – ou ce qu’ils sont devenus – ont-ils / doivent-ils avoir toujours un sens de nos jours dans l’éducation des monarques ?
Les propositions de communication, de 250 mots maximum (pour une communication de 25 minutes) sont à envoyer avant le 8 janvier 2018 aux deux courriels suivants :
valerie.menes@u-cergy.fr
catherine.marshall@u-cergy.fr